Pourquoi l’acier?

C’est une question qui revient souvent et à juste titre car les majors de l’industrie du cycle se sont tournés vers l’aluminum et le carbone pour leurs cadres.

Leurs arguments principaux ont toujours été la légèreté et la rigidité de leurs produits.

Pourquoi ? Car au niveau marketing, ces notions sont très faciles à expliquer et très facilement assimilables par le cycliste en quête d’une nouvelle monture.

Mais ce n’est pas parce qu’un vélo est léger et rigide que son comportement dynamique sera à la hauteur des besoins du rider.

D’ailleurs dans d’autres sports mécaniques, on vante avant tout une rigidité maitrisée, exemple chez Husqvarna à propos du chassis de leur motocross FC450 :

“…les ingénieurs du service recherche et développement ont conçu un cadre en acier au chrome-molybdène structurellement modifié pour améliorer la manœuvrabilité, l’ergonomie et la disposition générale des éléments. Grâce à une rigidité en torsion et une flexibilité longitudinale savamment calculées et une parfaite cohésion avec la suspension, le cadre offre le parfait compromis entre tenue de route et confort.”

C’est exactement ce que nous permet l’utilisation de l’acier. Le but pour Production Privée est de proposer une rigidité cohérente pour la pratique visée, tout en offrant grip, tolérance, confort et fiabilité.

La pratique ne dicte pas complètement le poids d’un vélo. Alors certes le poids est un élément important, mais bien d’autres facteurs sont importants dans la conception d’un cadre :

La géométrie

La tolérance, le confort,

Le dynamisme

La solidité

La fiabilité dans le temps

La facilité d’entretien

Et pour être complet, l’élaboration du cahier des charges ne peut se passer de la notion de prix ou d’enveloppe, élément clé dans la détermination des solutions pour remplir celui-ci.

Ainsi – et sans rentrer dans les questions d’esthétique, d’image de marque, etc… – à la fameuse question “c’est quoi le mieux ?” (question que j’exècre …), il convient de demander :

Pourquoi faire ? et à quel prix ?

A ce jeu là, l’acier tire son épingle du jeu et vous pouvez le constatez par vous même : que ça soit en moto ou en course automobile, un chassis en acier fait podium chaque week-end.

La 208 T16 piloté par Sébastien Loeb poru la fameuse Pikes Peak est construite sur la base d’un chassis tubulaire en acier.

Pourquoi ? Parce que l’acier est un matériau dont la fabrication et l’utilisation industrielle totalise 150 ans d’expérience. La palette d’outils, de procédés de fabrication et de traitements thermiques à la disposition du concepteur en fait un matériau exceptionnel, aux performances mécaniques incroyables, pour un coût de mise en oeuvre contenu par rapport aux autres matériaux.

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Pour cette partie nous allons vous présenter des arguments techniques justifiant l’utilisation de l’acier pour la construction d’un cadre de VTT.

Le but de cet article est de faire découvrir certaines notions et de donner quelques clés techniques à un large public. J’ai delibérement pris quelques raccourcis et j’ai fait quelques approximations scientifiques afin de rendre ces quelques notions plus compréhensible. J’invite les plus pointus qui auront les oreilles qui sifflent à boire une bière (c’est ma promo des Mines qui va se pointer…).

Si vous voulez en savoir plus ou si vous avez des questions n’hésitez pas à nous contacter !

1/ L’INFLUENCE DES PROPRIETES MECANIQUES & PHYSICO-CHIMIQUES

Pour illustrer cet article “didactique”, je dois vous présenter au moins 4 propriétés essentielles :

Le module d’élasticité

La limite élastique

La densité

La résistance à la fatigue

1.1/ Le module d’élasticité, ou le module de Young c’est quoi ? :

Pour faire simple, c’est une constante qui décrit la rigidité propre d’un matériau. Prenons un exemple simple, un couteau en plastique, c’est souple. Imaginez le même couteau en acier : il est difficile de le tordre ! (mais ça coupe mieux le mauvais steak de supermarché).

Ce module de Young, est généralement représenté dans la littérature scientifique par la lettre E. Par ordre croissant (du plus “souple” au plus “rigide”), le module de Young de l’aluminium est de 70, du titane 110 de l’acier 200 et celle du carbone peut varier en fonction de beaucoup paramètres mais dans le cadre de la vulgarisation on peut considerer que le module de Young du carbone est au moins égal ou supérieur à celui de l’acier.

Tableau A. Courbes de traction pour différents matériaux plus

1.2/ La limite élastique ou résistance élastique :

C’est la limite à laquelle vous pouvez déformer le matériau avant qu’il ne puisse plus revenir à sa position initiale. Si vous dépassez cette limite, le matériau est tordu pour de bon. Prenons l’exemple du couteau, imaginez le en aluminium, vous pouvez le faire fléchir, la limite élastique correspond au moment au vous le faites fléchir trop et il reste tordu.

J’en profites pour ajouter ici que la notion de limite élastique n’existe pas avec le carbone. C’est à dire que la rupture est immédiate lors qu’on dépasse un certain niveau de contraintes, on parle alors de matériau “fragile”, comme quand on casse un verre.

Tableau A. Courbe de traction type.

Tableau B. Courbes de traction pour différents matériaux. Plus la valeur E est élevée, plus la pente est raide, et plus le matériau possède une rigidité propre élevée.

Ces tableaux sont des représentations de courbes d’essai de traction.

Un essai de traction consiste à tirer sur un échantillon jusqu’à la casse. Le tableau A est une représentation générale d’une courbe de traction pour des métaux (des matériaux dits “ductiles”). La premiere partie de cette courbe est droite, on est dans le domaine des déformations élastiques. Si on tire suffisamment sur l’échantillon on va dépasser la limite élastique. Si à ce moment là on arrête l’essai, on constatera que l’échantillon est irrémédiablement déformé, on est dans le domaine de la déformation plastique. Si on continue de tirer on va alors atteindre la rupture, on peut mesurer la valeur à laquelle elle s’est produite, c’est la résistance mécanique.

1.3/ la densité :

Là c’est facile, la densité d’un matériau est une grandeur qui caractérise son poids pour un volume donné. Un cube d’eau de 1 m de coté pèse 1000kg, d’acier 7850kg, de titane 4500kg et d’aluminium 2700kg.

1.4/ La résistance à la fatigue :

C’est la capacité d’un matériau à résister à la rupture quand il est soumis à une charge répétée (cyclique). Autrement dit cette propriété caractérise la fiabilité dans le temps, la durée de vie.

A ce jeu, l’acier et le titane sont des matériaux de choix car en dessous d’un certain niveau de contraintes on considère que ces matériaux ont une durée de vie illimitée, ce qui n’est pas le cas de des alliages d’aluminium, qui eux ont une durée de vie limitée, plus ou moins longue en fonction du niveau de contraintes subies mais limitée quand même. Les composites de carbone ont une excellente durée de vie à condition que le process de fabrication soit de niveau exceptionnel.

2/ L’INFLUENCE GEOMETRIQUE : Dans le domaine de la résistance des matériaux on parle plutôt de “moment quadratique”. Ceci correspond ni plus ni moins à l’influence de la forme et de l’épaisseur d’un ou des solides sur la résistance d’une structure. (comme par exemple un cadre de vélo et ses tubes ???? Bravo ! vous avez compris !) C’est une notion importante dans le calcul de structures car le moment quadratique (ou comment la matière est distribuée) influe sur la résistance en fonction de la direction de sollicitation. L’exemple le plus bête est celui d’un plongeoir de piscine : pour un même matériaux et longueur de planche donnée, si elle est trop épaisse, ça ne plie pas !

3/ COMPARAISON MATERIAUX : Maintenant que vous avez découvert ces notions, on peut s’attarder sur les performances de l’aluminium, de l’acier et du titane. Voila un petit tableau récapitulatif :

Parmi les différentes propriétés, il est intéressant de les comparer par rapport a leur densité :

En divisant le module de Young (la “rigidité” propre d’un matériaux) par la densité et en faisant de même pour la résistance élastique et à la fatigue, on peut ainsi déterminer quels sont les matériaux les plus “performants” par rapport à leur “poids”.

L’acier est plus “raide “que l’alu et le titane. Il est intéressant de noter que, rapporté à leur densité respective, l’acier et l’alu proposent une “rigidité” presque similaire.

On note que l’alu est 15% moins performant en terme de résistance que l’acier. Le titane quant à lui se montre 12% plus performant en terme de résistance que l’acier.

Rappelez vous la notion de résistance à la fatigue : en dessous d’un certain niveau de contraintes, l’acier et le titane ont une “durée de vie” illimitée :

Il est important de noter ici que, non seulement l’aluminium a une résistance à la fatigue limitée, mais le niveau de contrainte limite pouvant entrainer une rupture prématurée est très bas.

On note également que l’acier possède une résistance à la fatigue plus élevée que le titane mais pour être complet il convient de rapporter leur résistance à la fatigue à leur densité respective :

On constate que “ramené à leurs poids” le titane est plus performant que l’acier.

Un cadre acier vaut presque le double d’un alu et le titane le double d’un acier, voila un critère important dans l’utilisation de ces matériaux ! Si on ramène cela aux performances mécaniques, l’acier est un excellent compromis, ce qui explique une large utilisation dans les sports mécaniques.

Enfin pour fermer la boucle, il indispensable de parler de coût. Rien ne vaut une petite image:

KTM construit ses motos de grand prix avec un chassis en acier.

POUR RÉSUMER, L’ACIER OFFRE UN EXCELLENT COMPROMIS PERFORMANCES/LONGÉVITÉ/PRIX.

Le titane est un matériau exceptionnel mais au prix élévé pour une mise oeuvre compliquée. Enfin pour l’aluminum, on peut dire que son principal avantage en terme de performances mécaniques se limite a sa faible densité. Si vous couplez cela à un bas coût de production, cela explique sa large diffusion. Il est très en dessous des performances mécaniques de l’acier et du titane.

4/ INTERPRETATION :

A ce stade une petite démonstration très simple permet de comprendre comment le concepteur peut jouer avec les matériaux.

Pour le besoin de la démonstration, je tiens à garder l’exemple du plongeoir ou plutôt, en langage de mécanicien l’exemple de la poutre encastrée.

Prenons un tube en alliage d’aluminium 6061 T6 et un tube MCS 4130, soumis à un poids de 100kg à son bout :

Le but est de calculer le niveau de contrainte à la base de la poutre, de mesurer la flèche en son bout et comparer les résultats pour les 2 types de tubes.

Qu’est ce qu’il faut relever ?

1/ En préambule on peut noter que ces tubes font sensiblement le même poids malgré leurs caractéristiques géométriques différentes, le tube en acier est 11 grammes plus lourd que l’alu.

2/ La différence au niveau de la flèche : on voit que le tube en acier et le tube en alu n’ont pas la même déformée, 6mm pour le tube en 6061 T6 et 10mm pour le tube en acier PP MCS 4130.

3/ La différence du niveau de contraintes entre les 2 tubes, 126 MPa sur le tube en aluminum et 462 MPa par le tube PP MCS 4130. Cette différence est due aux caractéristiques géométriques des tubes, le fameux moment quadratique.

Comparons ce niveau de contraintes aux résistance élastiques de chaque matériau.

Tube en 6061 T6 : La résistance élastique de l’aluminium 6061 T6 est de 255MPa. A 124 MPa à la base du tube, le tube peut soutenir la charge.

Tube PP MCS 4130 : la résistance élastique du PP MCS 4130 est de 900 MPa. A 462 MPa à la base du tube, le tube peut soutenir la charge.

C’est maintenant que ça devient intéressant : à 126 MPa dans le tube en 6061 T6, en fait on a déjà dépassé le niveau de contrainte de résistance à la fatigue de 124 MPa. C’est à dire que, si ce tube est soumis à une charge cyclique de 100kg, le tube en alu va finir par craquer.

Pour ce qui est du tube en acier PP MCS 4130, à 462 MPa on est encore loin du seuil limite de résistance à la fatigue. C’est à dire que, le tube en acier va pouvoir INDÉFINIMENT subir une charge cyclique de 100kg sans casser !

Voilà un des avantages primordiaux de l’utilisation de l’acier, bien dimensionné, un chassis un acier peut durer longtemps, très longtemps !

Cet exemple donne une idée des paramètres influençant la conception et la solidité d’un cadre. La conception et la fabrication d’un cadre reposent sur des choix et des compromis dépendant essentiellement sur un cahier des charges définissant la pratique, le niveau de performance à atteindre, la robustesse, le coût, etc…

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